C’est fait. Mon 5ème IronMan est désormais derrière
moi, et le miracle tant espéré ne s’est pas produit. Comme quoi, il n’y a que
le travail qui paie. J’ai réellement vécu une sacrée drôle de journée en
passant dans tous les états possibles. Cet IronMan a été une aventure hors du
commun sur tous les points de vue : sensations, climat, état d’esprit,
règlementation, introspection.
J’écrivais des articles d’avant course dans cette
rubrique en insistant sur la dominante « plaisir » « zen ».
Malheureusement cela ne s’est pas passé comme cela aurait dû se passer.
Ce 15 juillet 2012 était un jour SANS, et un jour sans
reste un jour sans. Comment passer du calvaire à l’euphorie ? Suivez le
guide.
Préambule :
Avant de commencer le récit de l’IronMan de Zurich, je
tiens absolument à aborder trois points.
En premier, je souhaite remercier ma petite famille
qui m’a encouragé fortement tout au long de ce nouveau périple. Malgré les
conditions météo difficiles et certains doutes suite à des évènements de
course, ils ont su garder le moral et trouver au fond d’eux-mêmes une énergie
positive communicative pour me transporter vers cette nouvelle finish line, que
je n’avais pas imaginée aussi lointaine. Ensuite, tous mes remerciements vont à
ceux, nombreux d’ailleurs, qui m’ont envoyé des messages de soutien avant,
pendant et après la course que ce soit par SMS ou par téléphone, et qui ont
pensé très fort à moi lors de cette longue journée. Un merci également aux
« triathletes addicted » du forum qui ont animé le live en attendant
les temps intermédiaires. En posant le pied sur les tapis, j’ai eu des pensées
pour vous autres, qui étiez si loin et si proches à la fois. Enfin, un merci
aux sponsors qui m’ont soutenu en début de saison et qui me soutiennent encore,
et je pense notamment à David, d’Endurance Shop au Havre, fidèle et passionné
de Triathlon, car il faut vraiment être passionné pour rendre service comme il
l’a fait juste avant mon départ pour Zurich. Super David.
En second, j’insiste sur la belle organisation de
l’IronMan de Zurich. Cette course est très bien rodée et les spectateurs
nombreux sur le parcours du marathon contribuent à faire du Triathlon une
grande fête. L’ambiance est excellente, le parcours sympa et l’après-course,
ravitaillements et massages corrects. Mais cela ne vaut pas Roth.
Enfin le dernier point avant de commencer mon aventure
du jour, j’insiste sur le fait que je suis un compétiteur, un compétiteur
perfectionniste.
Mes propos vont peut-être vous surprendre, mais je ne
suis pas réellement satisfait de ma performance. Je suis conscient de revenir
d’assez loin puisque comme vous le savez, fidèles lecteurs de ce blog, tant de
choses ont contrecarré ma préparation. Je sais bien entendu qu’un IronMan est
une épreuve exigeante qui implique une attitude humble et qu’une telle épreuve
mal préparée ne pardonne pas. « Il n’y a pas d’épreuve difficile, il n’y a
que des athlètes mal préparés ». Je sais tout cela et je me le répète
assez. Pourtant, quand on a connu de bien meilleures marques chronométriques
sur LA distance reine et qu’on est justement un compétiteur, tout athlète a du
mal à accepter un moins bon résultat, même si on prend en considération
les remarques précédemment citées, et même si le résultat est tout de même
acceptable. Je suis ainsi : exigeant, compétiteur, déterminé.
Voilà pour cette introduction un peu longue mais
nécessaire, place maintenant au compte rendu de la course.
La veille de course :
Après une halte en Lorraine chez ma sœur le vendredi,
nous reprenons la route vers la Suisse le samedi matin de bonne heure. La météo
est pluvieuse et les prévisions de Zurich pour le week-end n’y seront pas
meilleures. L’entrée chez les Helvetes est un peu longue et nous arrivons à
Zurich vers 13h30. Nous prenons un repas rapide et nous nous dirigeons vers le
lac pour retirer dossard et puce. Dans la foulée, nous repartons nous installer
dans notre Hôtel, où je prépare mes affaires car je dois déposer le Ridley
entre 17h30 et 18h30. Pendant que la petite famille recharge les batteries, je
regroupe minutieusement les affaires : gels, barres, breuvages pour la
course, stickers sur casque et spad… la routine quoi. Nous retournons à l’
« Event Area » (la zone centrale de l’événement) où il y a le
village, les stands, l’animation… Un petit coup de fil à Adrien pour savoir
s’il est sur zone. Non. Il a déjà posé le vélo et se repose à l’hôtel. On se
verra donc rapidement demain avant le départ. Par contre, nous croisons
Richard. Rapide bonjour car il est l’heure de déposer le vélo dans le parc.
Petit aparté avec une petite présentation qui est
importante ici car j’en reparlerai plus tard dans mon récit.
Adrien est un triathlète semi-pro. Un gars taillé pour
le TRI et qui vit sa passion à fond. Deux stages en Espagne de 15 jours cette
année, des semaines à presque 30h voir plus, un super triathlète pas avare de
conseils, qui peut enquiller en un week-end 800kms de vélo et une sortie longue
à pied. Bref, un quasi-pro vous dis-je. Il est là pour le slot, rien que pour
le slot et la victoire en GA, même groupe d’âge que moi, histoire de rajouter
une étape dans son périple automnal puisqu’il a déjà sa Qualif en poche pour le
70.3 de Las Vegas.
Richard, c’est un autre triathlète du HAC qui habite
le même village que nous, déjà finisher à Nice et très sympa. Un ancien
footballeur converti au Triathlon, si si ça arrive… et il a bien fait.
Hop, je referme la parenthèse.
L’installation dans le parc est assez rapide après la
photo traditionnelle de l’athlète avec son vélo pour éviter les erreurs et les
vols.
Nous sommes très serrés dans ce parc. Je scotche les
gels sur le cadre et mets la bâche sur le vélo. Après une prise de repère de la
position de ma machine de course dans le grand parc à vélos, je décide de faire
en marchant l’entrée et la sortie du parc, car il est indispensable de repérer
les passages des transitions. Trévor Delsault est là, on échange deux-trois
mots sur la transition Natation Vélo. Je fais le parcours en marchant que
j’emprunterai demain pour mémoriser le chemin à suivre. Tout est bon !
Retour à l’hôtel pour se restaurer avec un bon plat de
pâtes et surtout dormir, enfin, si je peux.
La nuit sera un peu courte finalement. Je me suis
réveillé de nombreuses fois pour vérifier l’heure, juste histoire de savoir si
je ne m’étais pas oublié. Je me lèverais finalement à 4h40. Rasage, il faut
toujours être beau sur une course, préparatif des affaires, dont tri-fonction,
tout en mastiquant des parts du célèbre Gatosport. Je suis prêt. J’embrasse
Madame BipBip avant de partir. Elle me souhaite une bonne course. Je quitte
l’hôtel. Il est 5h20.
L’avant course :
Me voilà chargé de mes sacs en train de marcher vers
la zone de transition. Il pleut légèrement. Tiens donc, comme par hasard, mais
heureusement des coins de ciel bleu sont perceptibles. Tout en me dirigeant
vers le parc à vélos, je mange doucement des morceaux de Gatosport et je bois
par petites gorgées une boisson d’attente. Honnêtement, je me sens très bien et
j’ai réellement le sentiment que je vais passer une bonne journée. Je suis
heureux d’être là malgré les difficultés rencontrées lors de ma préparation. Ca
va le faire ! Take it easy.
J’entre dans le parc. Il y a déjà beaucoup de monde.
Je suis un des derniers à débâcher mon vélo dans ma rangée. A mes côtés, deux
français. Un normand et un gars d’Amiens. On discute un petit peu, mais sans
plus, car je dois m’occuper de préparer mon Ridley, notamment en
approvisionnant ma pochette de barres énergétiques, et disposer mes chaussures
CAP et VELO. J’ai fini. Je décide d’aller saluer Adrien, qui est déjà très
concentré. Le bonjour est rapide et nous nous souhaitons une bonne course.
En revenant à ma place, je termine mes préparatifs.
Je lève la tête et de gros nuages noirs passent. Je
prends alors l’option de laisser dans le sac, les lunettes de soleil et de
sortir un coupe-vent. La pluie, je connais. Je l’ai presque, j’ai bien dit
« presque », apprivoisée. Je salue aussi Richard qui se trouve dans
la rangée opposée à la mienne. On se souhaite le meilleur et lui dis de surtout
prendre du plaisir… A cet instant-là, je pense réellement que moi aussi je vais
en prendre, du plaisir. J’enfile la combinaison, laissant libre le haut du corps,
et nous filons tous poser nos sacs d’après course sous la tente dédiée. Sur le
trajet qui mène au départ Natation, je n’entends plus rien, je ne vois plus
rien, je suis complètement dans ma bulle. Je suis vraiment bien et je me sens
prêt à en découdre. Dans 10mn, c’est le départ. La concentration est optimale.
J’écoute mon souffle. Une jeune femme me fermera la combinaison avec quelques
difficultés. Ouf, c’est fait. Je teste l’eau. Elle est bonne et décide de faire
quelques mètres d’échauffement sur la droite du départ. Pendant ce temps, les
pros viennent juste de partir, il est 6h55. Il nous reste 5mn.
Je rejoins la ligne de départ. Je suis en seconde
ligne, placé idéalement. Parfait !
« 2mn before start ». Je souffle
régulièrement en fixant la bouée jaune, pendant ce temps, le speaker souhaite
un joyeux anniversaire aux concurrents nés le 15/7. Sympathique attention.
« One minute to go ! »… trop bon… on y
est presque. Allez, départ rapide en deux temps et après on trouve le rythme de
croisière…
NATATION : Que ce fut long, fastidieux et
douloureux. 1h11.
Deux boucles à effectuer avec une sortie à
l’australienne. Bouées pas assez visibles.
C’est parti ! Je nage vite. Les bras se mettent
en action, respiration en deux temps. Ca avance bien, direction la grosse bouée
jaune. Les 300 premiers mètres passent nickel, je suis aux avant-postes.
Contrat rempli, le but de partir vite est d’éviter les coups, surtout que je me
suis bien entrainé à cet exercice et que désormais, j’ai l’habitude de ces
sensations. Tout est nickel, quand, tout à coup, plus rien de ne va plus.
Aujourd’hui, je n’arrive toujours pas à expliquer ce qui a bien pu se passer.
Les bras sont très lourds et les épaules très douloureuses. Je subis et
commence à ralentir. Sur mes dernières séances, je n’avais jamais ressenti cela
et qui plus est, la bouée du fond se distingue vraiment mal. Ce sera d’ailleurs
le cas tout au long du parcours, surtout sur le retour vers la berge, où les
bouées ne sont pas assez nombreuses et il est bien difficile de s’orienter.
Et ce qui devait arrivait, arriva. Une vague, une
déferlante, comment dire, un tsunami de triathlètes barbares revient de
l’arrière et commence à me chahuter et me déstabiliser. Par petits paquets, je
me fais dévorer par des pirhanas en combinaison noire. C’est que 1700 athlètes
lancés, ça fait une sacrée machine à laver quand même. Bing ! Un coup dans
les lunettes, ça va, rien de grave, je suis presque à la première bouée. Bon
virage, pas trop d’encombrements. Hop, ça repart en direction de la seconde
bouée que je ne perçois même pas. Même dans les vagues d’Etretat ou celles du
Pays de Galles l’an dernier, je savais où aller. Là, je suis dans le paquet de
triathlètes et j’essaie de temps à autre de me repérer. C’est vraiment
difficile, et les épaules sont toujours douloureuses. Je ne prends aucun
plaisir à nager, contrairement à d’habitude où j’aime le combat et
l’orientation. Il faut laisser passer l’orage comme on dit… OK. Seconde bouée
passée et direction la petite île pour la sortie à l’australienne après un
passage sous un petit pont où les spectateurs sont amassés. La sortie arrive et
je ne me sens pas au mieux, comme si j’avais des haltères sur les épaules… On
m’aide à sortir. Je cours sur le tapis où un chrono intermédiaire sera pris… en
replongeant de l’autre côté, après avoir visé dans le lointain la bouée jaune
de demi-tour, je me fais mal aux ischios. Quelques battements de jambes et ça
passe… Cette sortie terrestre m’aura fait un peu de bien, car les épaules vont
mieux. Je nage maintenant à peu près normalement et remonte même un petit
paquet devant moi. Aaaaah, ça me rassure un peu. Par contre, je n’ai toujours
pas de visibilité avec le devant et surtout les bouées difficilement
repérables… Je crois que j’ai nagé bien plus qu’il ne fallait, car je n’ai
jamais eu l’impression de nager droit. La seconde boucle passera beaucoup
mieux. Je me permettrai même quelques accélérations pour doubler d’improbables
nageurs zigzagueurs. Sur la dernière ligne droite en direction de la sortie, je
fais attention à la météo. Un grand soleil brille au dessus de nos têtes.
Bigre ! Je n’ai pas prévu les lunettes. Tant pis ! Quant au
coupe-vent, il sera bien inutile. Je décide donc à cet instant de partir en
tri-fonction.
La sortie approche… j’ai le sentiment d’avoir nagé
plus longtemps que d’habitude, mes chronos oscillant entre 1h00 et 1h06… on me
hisse à l’extérieur de l’élément liquide. Je retire lunettes et bonnet… hop hop
hop, en route pour le vélo qui sera bien mieux j’espère…
T1 : Très bien. 2mn 28.
En courant, je retire le haut de la combinaison.
Arrivé à mon emplacement, je retire la peau du pingouin, vite fait bien fait.
Chaussettes, chaussures, dossard en arrière, casque, et comme convenu, je
laisse le coupe-vent. En route pour 180kms. J’ai du temps à rattraper car je
suis en 1h14.
VELO : La catastrophe ou le tour de France en
live. 6h01
Je sors du parc après avoir franchi la ligne. Le
parcours est sur le papier assez roulant. 30kms de plat, 25kms vallonnés, 25kms
assez difficiles avec la montée de « The Beast » une côte en lacets
de 4kms avec un bon pourcentage pour aller jusqu’au col, une descente rapide
derrière, un faux plat montant sur 5kms le long de la voie ferrée et une longue
descente en fort pourcentage pour retourner vers le lac, enfin 15kms plat sauf
pour HeartBreak Hill, un bon petit coup de cul d’1km environ à 18% sur la fin,
suivi d’une portion plate en retour vers le parc à vélos.
Cette boucle sera à effectuer deux fois.
Il fait beau, le vent est favorable, le bitume est de
qualité, rien de mieux pour commencer la partie cycliste. Seulement d’entrée de
jeu, je sens qu’il y a un problème, un gros problème. Je m’aperçois que je n’ai
pas de jambes. Enfin si, j’ai bien des jambes puisque je pédale, mais j’ai des
douleurs au niveau des hanches et je n’arrive pas à envoyer du lourd. Je me
contente de rouler à un rythme non appuyé même si ma moyenne oscille entre
36-37km/h. Vous allez dire que c’est déjà bien, mais comme c’est plat, que le
vent est favorable et que toutes les conditions sont réunies, je devrais rouler
plutôt au dessus de 40km/h. Je ne me sens pas très bien, mais n’oublie pas
l’indispensable : boire régulièrement et s’alimenter.
Je suis presque heureux de changer de direction et de
monter un peu, car, chose très rare d’ailleurs pour moi, je commençais à en
avoir assez d’être allongé sur le cintre. Moi qui adore cet exercice position
aéro, aujourd’hui, c’est le contraire.
Les premières parties vallonnées sont passées sur la
plaque. Je reprends même quelques places sans forcer mon talent. Arrive une
descente où l’on surplombe le lac, magnifique vue d’ailleurs (c’est beau la
Suisse !), et je vois au loin de très gros nuages noirs et de belles
averses qui arrivent. Fichtre ! Ben oui quoi, je n’ai pas fait une course
sans la pluie cette année, il n’y a pas de raison que je ne prenne pas un peu
d’eau sur le coin du museau… En tout cas, cela semble inévitable. Le bas de la
bosse en lacets « The Beast » arrive. Dans ma tête, je pensais la
monter sur la plaque, mais voilà qu’au bout de 200m, j’enroule la petite, la
petite plaque je veux dire. Je n’ai vraiment pas de jus. Je subis. La montée
est longue, longue, en lacets, et je roule, roule, roule à peine à 15km/h.
Le col arrive enfin… et là, au moment d’entamer la
très belle descente, juste après avoir passé le sommet, l’orage éclate. La
pluie est soutenue et bientôt laisse place à des grêlons gros comme des œufs de
pigeons. Oooooh, outch’, purée ça fait mal. Je roule à 50km/h, mais je décide
de freiner pour descendre à moins de 30km/h car la vitesse du triathlète et la
vitesse des grêlons cumulées font terriblement mal, et puis ça glisse…
Voilà que j’ai froid. Un remake de l’IM de
Francfort ? Mince, pourvu que cela ne dure pas. La grêle ne tombe plus
quand j’arrive en bas. Le faux plat montant, le long de la voie ferrée sur 5kms
sera terrible : pluie et vent fort de face, comme au triathlon du Havre il
y a trois semaines. Quelle poisse ! Je me ravitaille avant d’enchainer les
grosses descentes devenues glissantes. C’est très dangereux. Je passe mon temps
à freiner, surtout qu’un athlète bien amoché est étendu au bord de la route.
Prudence…
Ouf ! Le soleil revient quand j’arrive au bord du
lac de retour vers Zurich. Je ne suis pas très frais, mais je n’ai pas froid.
Juste avant le passage devant l’aire de transition, je croise Madame BipBip et
les enfants qui m’encouragent. Ca fait du bien.
Heartbreak Hill passera finalement bien, en tout cas,
mieux que prévu…
Je file devant le parc à vélos. C’est le début du
second tour. Je vide un de mes bidons, et il me vient une idée stupide, une
idée qui montre réellement un manque de lucidité. Je me dis qu’au passage
devant mes supporters, je leur jetterai le bidon vide. L’instant fatidique
arrive. Il m’encourage et je balance mon bidon.
Devinez où ? Juste devant les arbitres. C’est
simple, mais la règle est la règle, DSQ (Disqualification). Interdiction
de jeter des objets en dehors des aires dédiées. Et honnêtement, à cet instant,
je n’y ai même pas pensé. Je suis dans la course et ce geste est dans mon
esprit sans aucune conséquence. L’arbitre pense autrement (il a raison) et va
voir mes supporters et leur dit que je suis DSQ, que si je connais le
règlement, il n’a pas d’autre choix que de me disqualifier. Il annonce mon
numéro de dossard à une moto qui part dans ma direction… Les enfants fondent en
larmes… Je continue ma route… Jamais je ne verrai un seul arbitre me donner le
fameux carton noir. Mes proches, eux, ne le savent pas… et pourquoi n’ai-je vu
personne m’arrêter ? Mystère et boule de gomme.
Le deuxième tour est entamé par la portion plate.
Bizarrement, ça va mieux. Je roule plus fort que lors de la première boucle sur
certaines lignes droites où je file à plus de 40km/h. Quelques frissons
arrivent et s’évanouissent dès que je procède à une vidange naturelle. Les
parties vallonnées sont entamées presque aussi vite que tout à l’heure, mais
tout d’un coup, même si j’ai bu régulièrement et mangé, je n’ai plus de jus.
Nous sommes au KM110 et je me demande comment je vais repasser « The Beast ».
J’ai les cervicales endolories, le bas du dos qui tiraille et, soudainement,
j’ai la vive impression d’être sur une étape du tour de France. Les coureurs
défilent en direct, les uns après les autres, et je m’attarde même à lire les
prénoms des athlètes. Je ne rattraperai plus personne à partir de ce moment.
« The Beast » est là. Il fait cette fois, terriblement chaud. Je suis
dans l’ascension en train de souffler et de verser de l’eau du bidon sur le
casque pour me rafraichir. Je roule à 12km/h. Je n’ai jamais aimé les bosses,
mais là, quand on n’a pas de jambes, c’est une catastrophe…
J’en ai marre. La descente qui suit est mieux négociée
que tout à l’heure, à plus de 70km/h… Le vent est bien plus fort qu’au premier
tour sur la portion faux plat montant le long de la voie ferrée. Adrien m’avait
dit qu’il n’aimait ce secteur. Moi non plus, surtout avec ce vent de face et la
pluie qui refait son apparition. La pluie n’est plus aussi forte, mais c’est
pénible… J’en ai marre de l’eau.
Le retour vers Zurich sera une formalité, et la grosse
descente est négociée plus rapidement qu’au premier tour. J’approche les
80km/h. Allez, on y est presque, voici le lac. Je file à allure régulière
(32km/h). Le marathon a déjà commencé pour certains, dont Adrien que j’aperçois
et que j’encourage. Je rejoins la bosse à 18%. En bas, ça tire dans les
cuisses. Les quadriceps sont durs. Un début de crampe arrive, mais je bois
aussitôt, et la gêne disparaît. Hop ! C’est passé. Retour au parc à vélos
après 6h00 d’effort. Une paille.
A aucun moment, je n’ai eu de bonnes sensations en
VELO. Cette épreuve fut une catastrophe. J’ai mal aux reins en descendant du
Ridley… et maintenant, le dessert arrive : le Marathon.
T2 : Très bonne. 2mn36.
Je rejoins ma place. Je perds un peu de temps, car mes
chaussures sont trempées, tout comme mes chaussettes aux pieds d’ailleurs, et
la paire de chaussettes de rechange dégouline d’eau. Bon, pas besoin de
réfléchir d’avantage. J’enfile les Mizunos comme ça, après avoir récupéré le
gel. Casquette vissée sur la tête. Et hop hop hop, direction le fameux
Marathon.
CAP : Un Marathon en yoyo et une fin
« très » heureuse ! 3h59.
Au menu, 4 boucles de 10.5K avec de nombreuses
épingles en relance et quelques bosses, très courtes, mais casse-pattes.
Je cours. Si si, j’ai mal au bas du dos, mais je
cours. Je me redresse le plus que je peux pour faire le beau et surtout
soulager les reins, après un passage rapide aux toilettes. Là, une phrase de
Dirk, mon pote triathlète allemand, se grave dans mon esprit : « never
never walk on marathon ! » OK. Jamais marcher, même si je cours
doucement, je m’interdirai de marcher… Le premier kilomètre est un enfer, j’ai
mal de partout. A cet instant précis, je me demande si j’irai au bout de
l’aventure. Je n’ai jamais su que j’avais un DSQ en suspens comme une épée de
Damoclès au dessus de la tête (le bidon jeté du vélo), mais je suis simplement
en train de me demander si finalement je ne choisirais pas le DNF (Did Not
Finished = Abandon). En effet, je cours à 10km/h. C’est tragique, enfin
tragi-comique. Pourtant, je ne dois pas lâcher prise, mes proches m’attendent à
l’endroit convenu, là, où je dois passer à trois reprises par tour sur le
parcours…
Il y a du monde de partout. Les ravitaillements sont
très bien fournis et les bénévoles extras. Plusieurs fois et cela tout au long
du parcours, j’entendrais « Come on Fred ! Good job !
Allez ! ».. Ca motive forcément pour continuer et côté
ravitaillement, je ne rate pas mon verre d’eau et mon verre de coca. Premier
demi-tour en épingle au KM3.3 sur le tapis qui enregistre la puce, je cours
comme une limace. Comment vais-je limiter la casse ?
Bientôt, le point de rendez-vous avec mes proches
arrivera, juste après avoir récupéré le premier chouchou. Je passe dans le
tunnel sous la route, ils devraient être au bout. Personne. Je les cherche du
regard tout autour… Je ne les vois pas. Où sont-ils ? Je m’inquiète.
Dimitri a t-il mouillé son pansement avec l’orage ? Sont-ils retournés à
l’hôtel ? Tiens, justement, la pluie arrive et ça commence à bien tomber.
Bon, je suis triste de ne pas les avoir vus, mais je me dis que je vais aller
au bout du demi-tour du fond et que je les verrai forcément au retour… Je cours
comme je peux. Mal, très mal, j’ai mal. J’ai encore ralenti au demi-tour du
fond KM7.1. A cet instant, le dossard 890 me passe. Une petite blonde dont je
trouve le rythme à ma convenance permet de me réveiller… Je me mets derrière
elle (elle a deux chouchous, moi qu’un seul) et je la suis pendant deux
kilomètres, car en plus, elle me rapproche plus vite de ma petite famille que
j’espère cette fois trouver sur le chemin. Le rythme me convient. 4’55’’au
kilo.
La zone de rencontre approche, j’y suis… Je cherche de
partout… pas de Madame BipBip, pas d’enfants. Personne. Où sont-ils ? Je
passe devant l’arrivée, le premier tour est presque bouclé… et là, comme par
enchantement, j’aperçois ma moitié… J’entends : « Aaaaah, tu es
là ? » … « Ben oui quoi, je cours le marathon » me dis-je
au plus profond de moi quelques hectomètres plus tard… mais pourquoi
n’étaient-ils pas là-bas ? Je ne comprends pas cette remarque de ma
douce : « Aaaaah, tu es là ? »
Le second tour se poursuit sur un bon tempo, enfin
meilleur que le premier. Les encouragements du public en masse, malgré la
pluie, est galvanisant. Je file, tranquille, même si je sais que mon rythme
n’est pas celui des derniers ironman effectués. Je récupère le second chouchou.
Je passe le petit tunnel, et là, cette fois, toute la petite famille est au
rendez-vous et m’encourage très fort.
Whouah je suis content de les voir ! Je m’arrête
10 secondes pour faire un bisou à mes garçons et aussi à Madame. J’échange un
ou deux mots. Je leur dis que ça ne va pas, que j’ai fait un vélo
catastrophique et que c’est dur… Je repars le cœur plus léger, mais ma foulée,
elle, ne l’est pas, enfin ce n’est pas celle que je souhaite… Je me souviens
même aujourd’hui de cette phrase que je prononce à cet instant en les
quittant : « je suis nul ! » et que des larmes me montèrent
aux yeux tellement je m’en voulais d’être aussi mauvais. Je continue ma route
en me donnant comme objectif d’aller jusqu’au semi-marathon, la fin du second
tour. Je vis un vrai calvaire à cet instant, même si les temps intermédiaires
ne le montrent pas vraiment.
Dans la ligne droite qui me mène au bout de la
dernière épingle (KM17.6), je croise Richard, le gars du même village que moi.
« Allez Fred » me crie t-il en secouant les bras avec beaucoup
d’énergie… Je lui fais un signe de la main. Il a l’air super bien le bougre, je
ne connais pas son tour (pas eu le temps de voir le nombre de chouchous) mais
en tout cas il a l’air frais, pas comme moi. J’aime bien ces deux longues
lignes droites entrecoupées par le passage du pont au dessus la rivière qui
s’échappe du lac, car il y a du monde et c’est plat. Sur cette portion, juste
avant le retour vers le parc, je regarde le chrono, et je devine qu’Adrien va
me passer à un moment ou un autre… Et ça ne rate pas. Il me tape la fesse
gauche et me dit : « Allez mon bichon, on ne lâche pas. »… A cet
instant, je décide de relancer la machine. Je me cale derrière lui, là, juste
dans sa foulée, à 14km/h. Je colle, je suis pas mal finalement. Que c’est bon
de courir comme çà quand on galère, et surtout cela semble étrange de pouvoir
tenir sans souffrir. Je suis presque bien. Jouer ainsi au yoyo avec les allures
et le suivre environ 500m avant de le voir s’éloigner fut un régal, lui qui est
dans son dernier tour, qui finira 16ème au scratch et 1er
GA 40-44. Quelle foulée.
Mais ici j’apprends une chose très importante, une
chose qui me servira à coup sûr un jour où je serai bien, un jour où j’aurai
des jambes, enfin mieux quoi ! On est capable d’accélérer même quand on
croit qu’on ne peut pas…
Pendant ce temps, Stardust qui me suit
sur le forum écrit : « Le malin, il en a gardé sous le pied ! Allez,
faut tenir et le chrono devrait afficher pas loin de 3h50 sur le marathon.
Les conditions météo sont très compliquées
apparemment. »
C’est vrai Stardust, ça flotte très fort, et c’est
vrai aussi que je suis allé plus vite, grâce au dossard 890 et à Adrien. Mais
je n’en ai pas gardé sous le pied, non, je suis sec. Sec. . Restent
encore 2 tours…
Je retrouve les enfants qui se lâchent après mon
passage. C'est beau à voir non?
C’est bon pour le moral. Je boucle le second tour.
Cela fait 1h55 que je cours. Quasiment 2h pour 21kms. C’est de la folie comme
c’est lent malgré mes deux petites pointes vitesse (ahahah), et il reste le
double à faire, sachant que la seconde moitié d’un marathon est théoriquement
plus lente. Le troisième tour me semblera un peu meilleur. D’une part parce que
je croise désormais Richard à chaque fois qu’il y a une épingle et on
s’encourage… Je suis porté par mes proches et les spectateurs. Je trouve un
rythme de croisière et je me rends compte que Richard est dans le même tour que
moi et qu’il est en train de faiblir… Concrètement, alors que 5mn nous
séparaient, l’écart tombe à 1mn et il reste un peu plus d’un tour. Je suis au
KM28. Une phrase de Mark Allen me vient à l’esprit : « Un IronMan, ça
commence au KM28 du Marathon ». C’est vrai. C’est là que ça passe ou ça
casse. La pluie tombe juste avant la fin de ce troisième tour. Je suis content
car j’avais chaud et cela rafraichit l’organisme. Je boucle enfin ce troisième
tour. KM32. Il n’en reste plus qu’un.
UN ! Allez Fred, encore un dernier chouchou et ce
sera la fin de cette journée galère !
A cet instant, je sais que j’irai au bout. Et quand je
regarde le chronomètre, je sais également que je serai loin de ma meilleure
marque IronMan. Je serai au delà des 11h. Au delà des 11h....
Je prends la boucle qui longe le parc à vélos, début
du quatrième tour. Et que vois-je ? Richard. Là, à 100m. Je fais un arrêt
au stand et repars. Je le double dans la petite descente. « Allez
Richard ! »… « J’ai mal à ma cheville gauche » me dit-il…
Mince ! Je file. Au ravitaillement qui suit, je marche pour la première
fois en buvant et en espérant que Richard fasse de même, histoire de discuter
un peu des petits potins de notre village. Non, il continue, il court. Ooooh !
Tu ne veux pas boire un coup avec moi ? Bon, alors je cours aussi et
finalement le laisse derrière moi. J’avance. A l’épingle suivante près du Parc
Belvoir, Richard est derrière. « Accroche Richard, t’es pas très
loin ». On se tape la main au passage, comme une photo publiée récemment
sur ce blog. Je revois encore une fois ma famille qui me dit qu’ils
m’attendront désormais à l’arrivée. OK.
Adrien a déjà fini son IronMan, douché. Il me dit
« Tu veux les jambes de Dimitri ou quoi ? »… Il a raison, j’en
aurai bien besoin des jambes de mon fiston. Je file jusqu’au demi-tour du fond,
KM38.7. Allez, il n’y a plus qu’à retourner au parc, vers LA finish line, sur
la portion que je préfère. Je décide d’accélérer. OOOOh peucheure, pas
beaucoup, mais quand même, augmentant mon allure de 1km/h environ…
Je revois Richard, un peu plus loin que tout à
l’heure. Je lui crie « Allez Richard, Finisher ! ». Bizarre, je
me sens bien, j’avance pas mal. Au KM41.5, Adrien me crie même que je cours
encore bien et que je n’ai sans doute pas assez forcé… Merci mec !
La ligne n’est plus très loin. Au lieu de filer tout
droit comme les concurrents qui sont devant moi et qui n’ont pas encore mérité
les 4 chouchous règlementaires, je vais tourner à droite dans 100m. Il me reste
200m. Je cherche mes proches. Et la surprise est immense ! Alors qu’il est
totalement interdit sur le circuit IronMan de finir avec des proches pour ne
pas gêner les autres triathlètes, j’outrepasse cette règle (la seconde
aujourd’hui) en prenant mes deux enfants par la main.
J’effectue la dernière ligne droite, une de mes plus
belles lignes droites, avec eux, mes deux garçons, courant à mes côtés, main
dans la main. Quelle fin heureuse ! Quelle joie ! Quelle récompense
après cette journée de détresse… Le chrono n’est pas satisfaisant, mais
l’euphorie est là, avec Dimitri et Adrien qui sont fiers de partager cet
instant unique avec leur Papa. Mémorable. Enorme. Incroyable.
La journée a été longue. J’avance entre les barrières
pour attendre Ma Moitié. Elle s’avance et me dit : « Tu n’es pas
disqualifié ? » « Disqualifié. Pourquoi ? »
« L’arbitre a prévenu la moto pour le carton noir en vélo. On a attendu
longtemps près du parc (+ de 3h30) pensant te voir revenir vite. On ne savait
pas où tu étais. » Voilà pourquoi je n’avais vu personne lors du premier
tour du rendez-vous CAP. Tout s’explique. Et non, entre temps j’avais fait un
tour gratuit de vélo et un tour CAP. Et heureusement que je l’ai pas su avant,
que j’avais un DSQ potentiel, car sans doute aurai-je arrêté ! Personne
n’est venu me disqualifier. La preuve, je suis classé ! 492ème.
Drôle de journée n’est ce pas ?
Conclusion
J’ai vécu une journée très difficile : mal aux
épaules, jamais bien en vélo et une course à pied avec le moral dans les chaussettes.
Heureusement, cette histoire finit sur une « happy end », avec les
enfants pour partager ce moment unique, ce moment privilégié, où l’on arrive
ensemble jusqu’à la finish line. Car j'ai des supporters incroyables que
beaucoup de triathlètes m'envient. Ils crient, encouragent, me portent dans les
moments les plus durs. Cette finish line est aussi la leur. Il la mérite tout
autant que moi.
Sur le forum ou par email, SMS, où beaucoup a suivi le
live, j’ai reçu des félicitations. Merci encore à tous. Néanmoins, comme je le
dis dans la première phrase de cet article, le miracle n’a pas eu lieu. On ne
peut pas prétendre à de belles performances si on ne fait pas l’entrainement
qu’il faut en amont.
Je suis très heureux d’avoir été au bout de cette
course grâce à cette fin mémorable de partage avec les enfants, au mental.
Pourtant, outre cette fin en apothéose, je n’ai pas réellement pris de plaisir,
et bien évidemment je suis déçu du chronomètre.
Mais c’est çà, l’histoire de l’IronMan. La dure et
belle loi de l’IronMan. Je suis finisher une fois de plus en ayant donné le
meilleur de moi-même, dans un jour sans.
486 à la sortie de l’eau, 630 à la fin du vélo (+144
places), 492 à la fin du Marathon (-138 places). Je termine 90ème GA
sur 323 partants et 492ème au général sur 1702 partants. Le chrono
affiche 11h17.
Pour votre information, ma plus grosse semaine de
préparation aura été de 14h et le volume moyen hebdomadaire depuis le début de
l’année de 7h. Ceci explique sans doute cela.
Et chose surprenante, c’est finalement au marathon que
je m’en suis le mieux sorti. Anything is possible.
Quant à Adrien, il survole le chrono en 9h11 et
Richard, pas très loin derrière moi en 11h27.
L’IronMan est une course solitaire qui mérite d’être
vécue quand elle est une belle communion d’athlètes qui s’encouragent
mutuellement en quête de dépassement de soi.